Face aux projets d’aménagement qui s'accaparent les terres, les collectifs normands bourgeonnent et grondent dans un climat d’ébullition sociale. Malgré la pression exercée par l’Etat sur ces groupes aux méthodes et aux profils variés, le mouvement des Soulèvements de la Terre entend bien fédérer un maximum de personnes pour la protection du vivant et passer en force à l’heure des terres.
Ce reportage en trois chapitres est à retrouver gratuitement et en version condensée sur Grand-Format.
Préserver la flamme
Des projets écocidaires qui mijotent
Bouillonnement de forces
Floraison d’un mouvement organisé
Un feu qui germe
« Fin du monde » et « fin du mois » : pousse ensemble
L'eau boue et la science infuse
Au-delà des idées
Après le printemps
CHAPITRE 1 :
COMME UN FREMISSEMENT DE REBELLION
Le geste est devenu habituel : le récipient circule de main en main et les téléphones portables, en mode avion, s’y amoncèlent avant d’être éloignés dans une pièce annexe. Ici, pas question de prendre le risque que des oreilles indiscrètes viennent s’immiscer dans la discussion qui se prépare. Dans ce petit groupe de l’agglomération caennaise, comme dans celui qui s’installe à Rouen et ailleurs en Normandie, la confidentialité et le silence sont de mise.
« On veut que ça devienne des réflexes plus que des contraintes », explique P*, un des membres du groupe caennais. Pour lui et ses camarades, éloigner le téléphone n’est pas seulement un acte de méfiance, mais aussi une façon de prendre l’habitude de s’écarter de l’aliénation de la technologie ; un rythme plus proche de celui des humains que l’on côtoie, un premier pas vers le vivant que l’on défend.
Préserver la flamme
Ces groupes, d’à peine plus d’une dizaine de personnes, se réclament du mouvement des Soulèvements de la Terre, groupement de fait qui rallie depuis 2021 les luttes écologistes et dont 168 comités locaux ont éclos en France depuis mars 2023. Objectif : préserver les terres nourricières, et cueillir un autre monde que celui imposé par le modèle capitaliste dominant.
Car pour A*, lui aussi de Caen, l’heure n’est plus à la patience. « On n’attend pas la réunion de tous les éléments extérieurs qui seraient favorables à une révolution subite ». Pas d’attente du « grand soir » donc, mais plutôt un passage immédiat à l’action et à la hauteur des possibilités de toutes et tous, comme une flamme qu’il conviendrait de préserver collectivement pour faire bouillir quelque chose de nouveau.
Ce frémissement qui germe est le fruit de luttes écologiques et sociales contre des grands projets jugés « inutiles » d’aménagement du territoire et contre les entreprises qui les favorisent. Plus concrètement, comme le précise une note publique du comité caennais, « reprendre les terres » contre leur accaparement par « le complexe agro-capitaliste et les industries écocidaires » ; pour « la mutualisation de l’alimentation et du travail de subsistance ».
Une autoroute qui mijote
Parmi les projets contestés, celui du projet de contournement autoroutier à l’est de l’agglomération rouennaise, qui mijote à feu doux depuis 1972 et dont le concessionnaire devrait être désigné dans les prochains jours. Un projet autoroutier visant à relier l’A133 et l’A134, par-delà les vallées à l’est de Rouen et nécessitant ainsi la construction de plusieurs échangeurs et viaducs. Pour Guillaume Grima, porte-parole de l’association « Effet de serre toi-même » et membre du collectif « Non à l’A133-A134 », ces contraintes rendent cet aménagement « aussi coûteux qu’un projet de montagne », », dont le coût est généralement particulièrement élevé du fait de ses nombreuses contraintes techniques liées au terrain. Au total, plus d’un milliard d’euros devraient en effet être investis dans l’optique de désengorger la préfecture haut-normande, « alors que les études abondent pour montrer que ça ne fonctionnera pas et que des alternatives existent ».
Outre les 518 hectares menacés par ce nouveau tronçon d’autoroute, il est évident pour les écologistes qu’il s’agit surtout là d’une porte ouverte sur l’aménagement d’autres zones aux abords de la route, rongeant davantage les terres de la région. « Ce tronçon est le morceau manquant d’un axe qui traverse l’Europe, et aux abords duquel les entrepôts logistiques se multiplieront », explique à son tour Enora Chopard, militante et membre de la coalition « La Déroute des routes ». Face à cette menace, « nous serons éminemment vigilants, batailleurs et volontaires avec tout le spectre des élus locaux et des Soulèvements de la Terre », promet Guillaume Grima.
Bouillonnement de forces
D’ailleurs, en ce matin du mois d’avril, dans la cour emplie de soleil du bar associatif rouennais La Base, ce « spectre » émulsionne déjà. J* et Y* sont déjà à pied d’œuvre auprès d’autres visages plus ou moins familiers. Ils sont tous les deux membres de l’association « De Son et Sciure », qui fait découvrir le travail du bois en musique. Ensemble, avec d’autres, ils accueillent les bénévoles venus prêter main forte pour un festival qui se déroulera une semaine plus tard au sud-est de Rouen, à Léry (Eure) en opposition au projet de tronçon A133-134, qui devrait défigurer la forêt de Bord voisine.
« Familial et déterminé », le festival « Des Bâtons dans les routes » est co-organisé par les collectifs locaux « Non à l’A133-134 », « les Naturalistes des Terres » ainsi que les Soulèvements de la Terre. Il aura en tout réuni près de 4000 personnes autour de conférences, d’animations pour enfants, de sorties naturalistes, de promenades en forêt, de concerts, etc.
Parmi les bénévoles, des retraités, des étudiants, ou simplement des curieux affiliés ou non à un groupement de militants. Lors de ces journées de préparation, certains apportent des pinceaux, d’autres de la peinture. Les visages souriants de générations diverses se succèdent et se présentent alternativement sur les différentes tâches de la journée. Michel et Marie-Claude aident à recouvrir des fanions – en fait de simples triangles en bois – avec de la lazure ; on apprendra plus tard qu’il s’agira de la déco de la première zone à défendre (ZAD) pour enfants de France, montée collectivement sur place et dont les structures en bois ont été confectionnées par un collectif de menuisiers engagés.
Bientôt l’ébullition
« Il y a une grande transversalité de profils au sein du mouvement », explique P*. Les événements publics montrent en effet que désormais, les scientifiques assument plus ouvertement leur rébellion, ainsi que la jeunesse éduquée et de nombreuses personnalités intellectuelles, artistes et politiques, etc. Des profils transversaux qui contrastent avec les oppositions plus anciennes et plus cloisonnées, de l’aveu même du groupe caennais, pour lequel il faudrait « sortir de l’isolement et de l’enfermement sociologique des milieux militants, élaborer des alliances offensives larges […] pour dépasser nos angles morts respectifs ». Pour autant, les groupes locaux remarquent également « la difficulté d'intégrer les personnes plus précaires et de milieux plus populaires », comme le souligne R*, de Rouen. Des réflexions existent sur ce point, mais parfois la réalité matérielle des classes est assez difficile à surmonter ».
Marie-Agnès, elle, habite « la seule maison du coin », indique-t-elle en invitant à venir y camper. Plus loin, les cantines de lutte sont alimentées par des producteurs locaux et se mêlent aux produits d’une ferme locale, vendus à prix libre. D’ici, on entend les rires des enfants de « la garderie » résonner sur le four solaire exposé pour l’occasion.
« En voyant les gens arriver de toute la France, on peut dire qu’on est sur la bonne voie pour battre en brèche ce projet écocidaire, inutile et antisocial dont on n’a pas besoin dans la région », scande enfin L*, une des porte-parole du festival. Le mouvement qui entre en effervescence sous la bannière des Soulèvements de la Terre ne concerne en effet plus uniquement une poignée de militants. Ici comme ailleurs, partout où germe une convergence des forces, semble également commencer à bouillir une nouvelle forme de convergence des luttes.
CHAPITRE 2 :
L’ECLOSION D’UN MONDE QUI BOUE
Comme un printemps qui signe le renouveau des luttes, le mouvement des Soulèvements de la Terre est aussi le terreau d’un nouveau rapport aux autres. En permettant à chaque personne d’apporter ses compétences et son savoir-faire à la hauteur de ses capacités, les relations humaines s’éloignent des rapports marchands capitalistes tant décriés par le mouvement écologiste. Au sein des bénévoles d’une part, mais également au sein des collectifs eux-mêmes, dont les échanges sont davantage soumis au sceau de la confidentialité. Mais cela n’empêche pas de continuer à développer un contrat social détaché des objectifs productivistes.
Preuve en est dans ce bâtiment de l’agglomération caennaise, où le « local » et le « fait maison » remplacent le passage à la caisse des firmes industrielles. A chaque rencontre, tout le monde met la main à la pâte pour entretenir un équilibre de vie en commun : pétrir, couper, enfourner, décapsuler, partager… pour autant, « on ne parle pas de communauté, qui signifierait qu’on vit tous ici », commence à mesurer B*. « On tient juste à veiller les uns sur les autres, on veut être là pour se soutenir et faire en sorte que ça soit naturel », confirme son camarade P*.
Floraison d’un mouvement organisé
La confiance est donc ici un maître-mot. A Caen comme à Rouen, les membres des comités locaux se connaissent souvent de mobilisations précédentes, dans le cadre d’associations ou de mouvements de résistance comme Extinction Rebellion, Alternatiba, Tout brûle déjà, Attac, etc. Une confiance qui aide à faire perdurer l’esprit de camaraderie, mais surtout indispensable à la bonne organisation interne des groupes.
Pour faciliter les échanges au plus proche des terrains de luttes, le mouvement s’est d’ailleurs naturellement constitué d’associations régionales et de groupes militants locaux plus ou moins organisés. Mais après l’acte très médiatisé de Sainte-Soline contre les méga-bassines, où les manifestants ont subi un affrontement inédit de violence de la part des forces de l’ordre, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin prononce sa volonté de dissoudre le mouvement. Une menace pas si simple à mettre en œuvre, mais qui a provoqué un fort « effet Streisand » : la publicité de cette annonce n’a en effet que renforcé la volonté des militants à durcir les rangs du mouvement et à s’organiser en groupements locaux plus stables – les fameux « comités locaux » – qui ont en quelques jours fleuri un peu partout en France. A l’heure actuelle, neuf sont sortis de terre en Normandie.
D’un bourgeon initialement restreint, le collectif s’épanouit ainsi en un grand réseau national, décentralisé et très organisé, constituant alors les luttes locales en un sujet politique à l’échelle nationale. L’ensemble de ce mouvement prend une ampleur inespérée dans toutes les sphères de la société, à la fois médiatiquement par sa partie émergée et les actions hautes en couleurs qu’elle laisse paraître, mais aussi dans ses réseaux racinaires plus discrets mais essentiels au maintien de la résistance.
Un feu qui germe
La répression envers un mouvement que Darmanin qualifie d’écoterrorisme pousse les groupes militants à jouer aux funambules. Un subtil équilibre entre le besoin de fédérer un maximum de personnes et la conscience que de potentiels « indics » peuvent infiltrer les rangs des comités locaux et déjouer l’engrenage de leur contestation sociale et les diverses actions menées.
Là était justement toute la difficulté lors de l’organisation du festival de Léry. Lorsqu’Enora, également porte-parole du festival, est convoquée par les autorités locales à une réunion de dernière minute, quelques jours avant l’événement, elle se souvient avoir probablement « dû devenir toute pâle » : à son arrivée sur place étaient présents des hauts-gradés de la gendarmerie, des représentants de la préfecture, des élus… « et là derrière toi, c’est un type des renseignements territoriaux », lui chuchote une camarade.
Au sein des comités locaux et de la plupart des collectifs, rien ne doit donc être laissé au hasard : garder les téléphones à l’écart est devenu un incontournable, tout comme l’intégration très limitée de nouvelles personnes au sein des groupes de réflexions. Surtout, l’usage de moyens de communication sécurisés comme Signal ou Telegram est imposé tandis qu’utiliser une adresse mail cryptée est plus qu’encouragé.
Cette menace qui pèse sur les groupes militants, malgré leur non-violence envers autrui, est le fruit d’une politique visant à fortement réfréner les possibles contestations sociales. La loi séparatisme adoptée en 2021, « confortant le respect des principes de la République », met à mal la liberté des associations dès lors qu’elles laissent paraître une forme de contestation jugée « non-républicaine ». Puis, en 2023 en l’espace de quelques semaines, le gouvernement s’affole et souffle sur des braises déjà incandescentes : création d’une cellule anti-ZAD, menace de dissolution, répression violente envers les manifestants pacifiques… en réaction, le frémissement se mue en un bouillonnement qui continue de se répandre à toutes les strates de la société.
« Fin du monde » et « fin du mois » : pousse ensemble
Car la lutte menée ici n’est pas qu’une question d’écologie. C’est au contraire tout un système marchand qui est dénoncé. Le parfum écocidaire des projets contestés trouve en effet ses fondements dans des conceptions politiques et sociales, dirigées par les sacro-saintes « valeur travail » et « croissance », deux sœurs de la grande famille du productivisme. « Se battre contre des autoroutes, c’est aussi se battre contre tout le système marchand et économique », résume Enora Chopard.
Pour les militants, cette invitation à la consommation et à la surproduction met à mal le rythme autosuffisant des petites exploitations au profit de l’agro-industrie. Pire, elle bâillonne la volonté d’inventer d’autres modèles de subsistance et de partage ; des modèles qui seraient pourtant davantage en respect avec les directives des scientifiques au sujet de la préservation du vivant.
C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’aux yeux des membres du comité caennais, le doute n’est pas permis : « le mouvement social doit faire sa métamorphose terrestre » car « le destin des luttes sociales est arrimé à celui des terres, comme « pont politique » entre la question de la « fin du monde » et cette de la « fin du mois » ». D’ailleurs, les renseignements généraux eux-mêmes indiquent dans une note que « pour les structures écologistes, […] cette transversalité des luttes s’est imposée comme une nécessité », celle de « se focaliser sur les points communs et les buts à atteindre [malgré] les divergences. »
CHAPITRE 3 :
« APPRENDRE A REPARLER DE REVOLUTION »
5 mai 2023, 23 heures. Quand un groupe d’une cinquantaine de personnes marche en silence dans la forêt de Bord (Eure), le bruit des pas sur le sol caillouteux est celui d’une procession. L'orée d’une clairière inondée de lune invite naturellement le groupe à s'arrêter discrètement, puis un naturaliste anonyme lève ses mains en parabole autour de ses oreilles en guise d'exemple à suivre : « c’est un engoulevent d'Europe », chuchote-t-il en reconnaissant le chant saccadé de l'oiseau nocturne.
Mais sous la pleine Lune de cette nuit sans nuage, le cri retentit par-delà ce qui se dessine en fait comme une large coupe rase, première grande cicatrice de la forêt, qu'une portion d'autoroute devrait prochainement traverser.
C’est ici, entre autres, que dès le lendemain, « la forêt s’est défendue » : clous plantés dans les troncs pour empêcher les forestiers d’y apposer leurs lames, câbles tendus pour solidariser les arbres depuis les airs, pour les empêcher de chuter et préserver le vivant qu’ils abritent. Des mares ont également été creusées, des nichoirs installés et des troncs scarifiés pour faciliter le retour des espèces qui pourraient continuer à y trouver refuge. Ces entailles permettraient par exemple de faire couler une sève dont l’odeur ferait revenir le « grand capricorne », ce coléoptère menacé dont le retour sur site pourrait contrecarrer le projet d’autoroute.
L’eau boue et la science infuse
Avec le grand capricorne ce jour-là, le muscardin, le pic mar, et le triton crêté sont ainsi devenus les emblèmes de l’événement, autour desquels quatre cortèges familiaux se sont élancés à travers la forêt pour y mener ces actions de désobéissance civile. Ou plutôt de « réarmement de la forêt », comme on préfère le dire ici. « C’est l’ultime solution pour porter une voix quand les recours juridiques, les manifestations et le vote n’apportent rien de suffisamment rapide ni concret », explique une militante à une famille qui semblait encore douter du bien-fondé de l’action.
A l’issue de ces « gestes », de nombreuses critiques ont en effet été émises sur les réseaux sociaux. Le tout jeune collectif des Naturalistes des terres, qui recense amateurs et professionnels amoureux de la biodiversité, apporte en contrepartie une nouvelle légitimité, scientifiquement fondée, aux actions de désobéissance civile. C’est d’ailleurs ce collectif qui a peaufiné les actions à mener sur le festival normand, et a répondu dans un argumentaire étayé aux diverses réactions.
Par son aspect décentralisé et son accessibilité via une cartographie dynamique, le collectif apporte également un accès direct aux problématiques du terrain et à sa réalité. En sensibilisant le public à ce que la lutte défend, il devient plus simple de fédérer autour d’une résistance dont peuvent alors s’emparer les néo-militants. D’après un des Naturalistes des Terres présents à Léry, l’idée est surtout de « tracer quelque chose dans le sillage des actions médiatisées pour montrer que le sabotage est possible à tout moment, sur tous les terrains, par toutes et tous. »
Au-delà des idées
« Nous sommes tous.tes les enfants de la forêt ! », entendait-on d’ailleurs résonner sous la canopée pendant tout le week-end. De façon générale, les récits massivement diffusés sur les réseaux sociaux grand-public, l’imaginaire qui en découle sur notre rapport au vivant et aux autres, invite sérieusement à penser d’autres possibles. Notamment, « réinventer les modes de productions et de subsistance ». D’ailleurs, si l’événement de Léry s’est principalement focalisé sur le milieu forestier, « il serait intéressant de poursuivre cette lutte sur les milieux agricoles », propose T*, du comité rouennais.
Les comités normands continuent de montrer que cet autre monde existe au-delà des idées : auto-gestion des cuisines, nourriture gérée localement et selon les besoins de subsistance, participation d’associations diverses pour apporter leurs compétences. La façon de se mobiliser d’un mouvement comme celui des Soulèvement de la Terre n’obéit pas qu’à un éventuel futur, et permet d’accéder dès maintenant à un nouveau rapport à la terre nourricière, au travail, à l’argent et à la vie en commun pour tout un chacun. Les bénéfices du festival ne sont ainsi pas capitalisés, mais pourraient par exemple servir, comme cela a été évoqué lors d’une réunion du comité local, « à proposer aux étudiants des produits des paysans locaux pendant des maraudes ». Ou encore à « fabriquer nos propres toilettes sèches pour les prochaines luttes ».
Les yeux mouillés par l’émotion, Enora vante « cette solidarité et cette capacité à réagir et à se faire confiance », « hyper importante et précieuse ». Dans la préparation de ce festival, « on a vraiment vécu un moment de composition politique rare et on a toutes et tous bougé les lignes de partout ». Christian Philippe, le propriétaire de l’écurie qui a prêté le terrain, admet lui-même avoir été convaincu par les arguments, lui qui était jusqu’alors « du côté de l’économie, des routes et des avions ».
Après le printemps
Or, cette autre conception du monde et du rapport au vivant ne correspond pas au projet capitaliste du modèle actuel, qui cherche à le bâillonner via un Etat de plus en plus répressif. Socialement et physiquement. Pour cette raison, les membres du comité caennais appellent à passer « de l’écologie à la lutte de classe révolutionnaire ». Ce mouvement social est appelé à renaître, entre autres, par « des installations paysannes aux pratiques agroécologiques », par « des rachats collectifs », des « occupations collectives », du « maraîchage urbain », etc. En bref, proposer « une révolution foncière d’ampleur qui libère un accès de tous.tes à des parcelles substantielles de terres pour une pluralité d’usages ».
Tout peut donc encore être réinventé, dans « un art de la fermeture et du démantèlement ». D’après le comité, il y a en effet une nécessité à opposer la position réformiste à la position révolutionnaire : « la première est une héritière du capitalisme et mise sur un développement économique durable », tandis que « la seconde fait le deuil et cherche à rompre avec cet héritage capitaliste ».
Une conception qui résonne particulièrement avec « la première exigence politique » du comité : « retrouver une capacité à infléchir notre destin collectif, ne plus se contenter de simples revendications, agir sans plus attendre, pour pouvoir apprendre à reparler de révolution ». Comme après le printemps et l’éclosion du mouvement, laisser place à son flamboyant soulèvement et au passage désobéissant à l’heure des terres.
* les personnes rencontrées ont tenu à rester anonymes
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